« Tolérance(s) : comment définir la tolérance » est un projet interdisciplinaire (Linguistique, Lettres, Histoire, Sociologie…) inscrit dans l'axe 3 (« Mondialisations, circulations, altérités ») de la MSHS Sud-Est (http://mshs.unice.fr/?p=8820). Il est consacré à l’étude des définitions (explicites ou implicites) du concept de « tolérance », dans un corpus large, tant au point de vue diachronique que synchronique.
Depuis 1996, chaque année, l’ONU organise une Journée internationale de la tolérance. En 2015, dans un contexte particulier qui est celui où la France a subi des attaques terroristes, Le Traité sur la tolérance de Voltaire a manifestement connu un véritable regain d’intérêt. La progression remarquable des ventes de ce texte, signalée par ses éditeurs, comme l’existence de cette Journée internationale attestent des interrogations (politiques, religieuses, sociales, juridiques, éducatives…) qui sont celles de nos contemporains sur la définition de la « tolérance » et donc sur la compréhension de cette notion. Or le Manuel éducatif « La tolérance, porte ouverte sur la paix » - qui est une pièce importante dans l’éducation à la tolérance préconisée par les Nations Unies - fait état « des définitions capricieuses et variables » de ce terme, dont les contours changent, par exemple, selon les langues.
Cette (relative) instabilité dans la définition du mot, qui fait que d’aucuns parlent de « vacillations […] du concept »1, est également sensible pour une même sphère linguistique, en l’occurrence la langue vernaculaire, tant en synchronie qu’en diachronie. À partir de l’étymon tolerantia, désignant en latin classique une « constance à supporter », une « endurance », le Trésor de la Langue française identifie ainsi deux sens principaux au mot « tolérance », l’un orienté vers une polarité axiologiquement négative, le terme désignant alors une forme d’indulgence coupable, de laxisme dommageable ; dans l’autre sens, le mot désigne une « disposition à admettre chez les autres une manière d’être, de penser, d’agir différente de la sienne ». La première attestation de ce dernier sens date significativement de 1567, c’est-à-dire d’une époque où la France traverse la longue et douloureuse période des guerres de religion, ce qui s’accompagne évidemment de réflexions politico-religieuses sur un hypothétique « vivre ensemble ». Dans son Histoire européenne de la tolérance (XVIe-XXe siècles), Thierry Wanegfelen nuance le sens du terme et précise que la tolérance désigne alors plutôt l’« acceptation d’un mal qu’on ne peut pas empêcher »2, ce qui rappelle l’étymologie du mot et dit assez combien la compréhension de la notion est liée à son contexte, varie selon les époques et engage des postures énonciatives différentes. C’est donc à une véritable interrogation sur la définition de ce mot, sur les emplois qui en sont faits, leur portée pragmatique et, naturellement, sur la posture énonciative que ce principe (et l’utilisation de celui-ci) requiert que les chercheurs (d’horizons divers) sont ici invités. Le but de cette réflexion pluridisciplinaire, qui constitue un véritable enjeu sociétal, est de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents au choix ou au refus de la tolérance, de circonscrire des zones de résistance où les valeurs prônées par un groupe empêchent l’intégration des altérités ou, a contrario, d’identifier les espaces, les choix, les positionnements qui rendent possible cette intégration.
Le projet TOLERANCE(S) s’appuie sur les séminaires de l’axe « Approches pragma-énonciatives de la définition », l’un des axes thématiques de l’équipe « Linguistique de l’énonciation » (BCL). Durant ces séminaires, qui associeront les autres équipes de la MSH (CMMC, CTEL, CEPAM), les caractéristiques de la définition seront étudiées sur des corpus variés, avec des méthodes, des outils d’analyse transférables sur les corpus relatifs à la tolérance.
Il se fonde également sur la tenue de deux Journées d’études. La première aura lieu à Nice, le 28 juin 2019, et associera les laboratoires BCL, URMIS, CMMC et CTEL (thème 3).
La seconde aura lieu à Paris, le 7 décembre 2019, et associera le laboratoire BCL, l’Atelier Renaissance de l’Université Sorbonne-Paris et l’Université de Stockholm. Cette deuxième Journée d’études est conçue comme un moment d’approfondissement – essentiellement diachronique – de la notion, et réunira des chercheurs spécialistes des XVI et XVIIe siècles, ainsi que des étudiants inscrits en master II et/ou en thèse à l’Université Paris Sorbonne.
Enfin, deux colloques internationaux (et pluridisciplinaires) sont également prévus : le premier se tiendra à l’Université de Nice (MSH-SE, Campus Saint-Jean d’Angély), les 11-12 octobre 2019. Il est prévu d’y associer des étudiants de master 2 intéressés par le sujet qui auront été préalablement sélectionnés.
Le second colloque aura lieu à l’automne 2020, à l’Université de Stockholm et au Centre Nobel (https://nobelcenter.se/).
Plusieurs revues françaises et étrangères (Les Cahiers de l’Urmis, Corpus, Seizième siècle, Histoire Epistémologie Langages) pourront être sollicitées pour l’édition de numéros thématiques. Un ouvrage collectif sera proposé aux éditions Garnier.